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a vu, à la clarté de la lune, trois potences dressées récemment, ainsi que l’indique la terre fraîchement remuée à leur pied. Il montre à Gildas Lebrenn ces instruments de supplice et dit :

— Nous arrivons à temps !… ces potences attendaient ton frère Salaün, son ami Serdan et…

Le forgeron s’interrompt, ne prononce pas le nom de Nominoë ; ses traits se contractent, prennent une expression terrible ; il étouffe un sanglot, serre avec une rage convulsive le manche de son marteau de forge et poursuit sa marche, précédant ses compagnons.

Le concierge, effaré, était entré dans le vestibule du château, où une nombreuse livrée jouait aux cartes. Parmi les joueurs se trouvaient le sergent La Montagne et son caporal. Les soldats, fatigués de leur étape, reposaient dans l’une des dépendances des communs.

— Plusieurs vassaux viennent de forcer la grille ! — avait crié le concierge à la livrée ; — ils prétendent parler sur-le-champ à monseigneur !

L’un des laquais court porter cette nouvelle à son maître ; celui-ci s’entretenait avec ses baillis, l’abbé Boujaron et la marquise du Tremblay, de la sentence à prononcer au point du jour contre les trois meurtriers. Le comte, stupéfait de l’audace de ses vassaux, bondit d’indignation, sort du salon, suivi de ses baillis et de l’abbé Boujaron. Ce dernier, en traversant le vestibule, aperçoit le sergent La Montagne et va lui parler à l’oreille ; aussitôt le sergent appelle son caporal, tous deux quittent l’antichambre par un escalier intérieur. M. de Plouernel, le bras en écharpe, suivi de ses baillis et entouré de laquais galonnés portant des flambeaux, se présente sur le perron, au moment où Tankerù gravissait les premiers degrés de la rampe. Il s’arrête, ainsi que ses compagnons, à moitié des montées, à la vue du comte à qui l’abbé disait tout bas :

— Gagnez du temps, dix minutes seulement… le sergent est allé réveiller ses soldats et leur faire prendre les armes, ainsi qu’à vos gardes forestiers.