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cement de ce siècle-ci (en l’année 1534), par notre aïeul Christian l’imprimeur, lors de la première assemblée des réformés dans une carrière de Montmartre ?

« — Un arrêt de dix lignes, consacrant pour chacun la liberté d’exercer son culte, sans offenser la croyance d’autrui, conjurerait les maux affreux des guerres religieuses que je prévois, — disait Christian l’imprimeur ; — mais cet arrêt si juste, si simple, ne sera jamais volontairement rendu par les rois, dominés qu’ils sont par l’Église de Rome, leur complice éternelle, qui, seule, les sacre, les consacre aux yeux du peuple, affirme la sainteté de leur droit divin et hébète, dégrade ou fanatise les hommes au profit de l’autel et du trône, à moins que le trône ne prétende primer l’autel… auquel cas, l’Église soulève les peuples contre les rois ! Non ! non ! pas d’illusion ! il en sera fatalement de la liberté religieuse ainsi qu’il en a été de toutes nos libertés depuis des siècles : il nous faudra la conquérir comme nous avons conquis les autres, par l’insurrection, par la lutte, par l’épée, au prix de notre sang et de celui de nos enfants. Eux et nous, hélas ! nous assisterons, je le prévois, à de longues et terribles guerres civiles ; et pourtant elles seraient épargnées à l’humanité, si François Ier rendait aujourd’hui un arrêt de tolérance, qui sera tôt ou tard imposé par la force à l’Église et à la royauté. »

Les prévisions de Christian l’imprimeur, basées sur la connaissance du passé inscrit dans nos annales, se sont réalisées. C’est en 1598, après soixante-six ans de persécutions, de guerres, de massacres, de ruines, de forfaits jusqu’alors inouïs, que, tour à tour imposée aux rois par la force et reniée par eux des qu’ils croyaient le péril conjuré, la liberté religieuse a été enfin proclamée, affirmée d’une manière irrévocable (espérons-le du moins), par Henri IV, nourri depuis son enfance dans la foi protestante, et, conséquemment, le seul roi qui put être sincère en promettant de respecter, de maintenir les droits de l’Église réformée.