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rendais solidaires de vos vertus !… Oui, vous rachetiez les méchants de votre race, comme Christ a racheté le monde par sa grâce évangélique !

— Nominoë, que je suis fière de vous aimer ! — s’écrie, avec un ravissement inexprimable mademoiselle de Plouernel, remuée jusqu’au plus profond de l’âme par les paroles, par l’accent, de Nominoë. — Ah ! je vous le disais bien, notre amour s’inspire de sentiments trop célestes pour être jamais de ce monde-ci…

— En ce monde et dans les autres, où nous allons revivre, cet amour, je le sens, durera l’éternité !… sa source est trop haute pour se jamais tarir… il est providentiel… En voulez-vous une preuve ?… Tenez, le matin même de mon mariage, au moment de conduire ma fiancée au temple, j’apprends votre arrivée à Mezléan, j’ignorais, je ne pouvais même supposer vos desseins… Pourquoi ai-je cédé à un pressentiment invincible ? pourquoi ai-je voulu rompre mon mariage au grand courroux de mon père ?

— Que dites-vous ?

— La vérité, Berthe… j’en jure Dieu ! Croyez-moi, fiancé à ma cousine presque dès notre enfance, je l’ai aimée comme la future compagne de ma vie, jusqu’à mon retour de La Haye, Mais, dès lors, je n’ai plus vécu que pour la passion enivrante, fatale, dont je savais la folie. Cependant l’époque fixée pour mon mariage, avec ma cousine approchait ; je vous l’avoue, la crainte de porter à cette pauvre enfant un coup douloureux en rompant une union depuis si longtemps projetée, la crainte de chagriner mon père, puis cette pensée, que jamais sans doute je ne vous reverrais… enfin l’espoir de trouver dans les douces affections de la famille l’oubli d’un amour insensé, m’ont fait consentir à cette union…

— Tout m’est expliqué maintenant, Nominoë… il m’est impossible de douter de votre sincérité, — reprit mademoiselle de Plouernel avec un allégement ineffable. — Oh ! je vous crois, je suis si heureuse de vous croire… Ainsi, votre résolution de renoncer à votre