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prenant, par le parent de Marion, votre retour à Vannes, j’ai pu, sans que le comte s’y opposât, me rendre, accompagnée de ma nourrice et d’un écuyer, au manoir de Mezléan. C’est sur la route de ce bourg que je vous ai vu pour la première fois… lorsque… lorsque…

Mademoiselle de Plouernel s’interrompit. Des larmes roulèrent dans ses yeux. Ces pleurs, son silence, les palpitations de son sein révélaient une émotion si douloureuse, que soudain Nominoë pâlit, frissonna. Il se rappelait seulement alors ce que, dans son trouble, il avait jusque-là oublié : c’est qu’il conduisait à l’autel Tina, sa fiancée, lors de sa rencontre avec mademoiselle de Plouernel, et qu’elle devait être actuellement instruite de cette union… Accablé par cette pensée, il n’osa plus lever les yeux sur Berthe et sentit s’évanouir ses dernières espérances !

Mademoiselle de Plouernel, après un moment de silence, domina son émotion, essuya ses pleurs et reprit :

— En allant à Mezléan, tel était mon projet, Nominoë : je voulais vous écrire et vous prier de vous rendre au manoir… Le désir si naturel de pouvoir vous exprimer enfin ma reconnaissance des services rendus autorisait ma démarche… Vous vous rendriez à mon invitation… l’amour sincère est pénétrant… j’étais certaine de reconnaître, dès notre première entrevue, si vous partagiez le sentiment que vous m’inspiriez, et si l’élévation de votre cœur répondait à tout ce que j’en attendais… En ce cas, je vous aurais loyalement fait l’aveu que je vous ai fait tout à l’heure, en ajoutant ceci : « Nominoë, je suis libre de ma personne… l’indignité de ma famille envers moi a pour jamais brisé mes liens de sujétion à ses volontés, de déférence à son égard ; je vous offre ma main ; je sais qu’en France un pasteur craindrait de consacrer notre union, redoutant les ressentiments d’une famille aussi puissante que la mienne… Fiançons-nous aujourd’hui ; échangeons nos serments en présence de Dieu et de votre père ; demain nous partirons avec lui de