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une réaction salutaire dans ma santé. Ma convalescence marcha rapidement. Au printemps de cette année, le médecin à qui je fis part de mon désir de retourner en Bretagne, non-seulement m’approuva, mais ajouta que l’air natal pouvait seul achever ma guérison. Ma tante et mon frère ne pouvant alors quitter Versailles, ils me laissèrent partir pour Plouernel, en compagnie d’un vieil écuyer, et de ma nourrice Marion, honnête et digne femme. Elle ne m’a jamais quittée. Elle est sûre, fidèle, dévouée ; d’origine bretonne, sa famille habite Vannes. Aussitôt mon arrivée à Plouernel, je chargeai Marion d’écrire à un sien parent, et de le prier de s’informer si M. Lebrenn et son fils, marins au port de Vannes, résidaient encore dans cette ville. On répondit à Marion que votre père et vous étiez absents, mais que votre retour serait prochain. J’attendis… Vers cette époque, car vous ne devez rien ignorer, vers cette époque, mon frère vint séjourner à Plouernel. Les odieux projets qu’il avait, lors de notre voyage d’Angleterre, formés sur moi, ont éteint dès longtemps en moi toute affection, toute estime pour lui. Je le lui ai déclaré un jour, et depuis, par dignité, je ne lui ai plus dit un mot de ce pénible sujet, mais ainsi sont faits les gens de cour qu’ils oublient vite une indignité pour en commettre une autre, et bien qu’après tout les nouveaux desseins de mon frère fussent honorables… comparés aux premiers… ils étaient empreints d’un incurable égoïsme. Il voulait me marier…

— Qu’entends-je ?

— L’ambition, la cupidité de M. de Plouernel, trouvaient des avantages considérables dans ce mariage…

— Vous l’avez refusé ?

— Non…

— Grand Dieu !… ah ! maintenant je…

— Ne vous hâtez pas de me juger, Nominoë. Écoutez encore. Quoi qu’il en ait coûté à ma franchise, je n’ai pas formellement refusé ce mariage ; grâce à cette apparente concession, mon frère s’est montré tolérant pour ce qu’il appelle mes bizarreries… Aussi, ap-