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à La Haye, vous a sauvé la vie et l’honneur… vous attend… Vous viendrez, si vous avez conservé le souvenir des services rendus !… »

Mais soudain, prêtant l’oreille du côté de la futaie, Nominoë tressaille et se lève brusquement. Les battements de son cœur, d’abord précipités, se suspendent ; les forces lui manquent ; il veut faire un pas, mais il tombe agenouillé sur le gazon, les mains jointes comme s’il priait. Il a vu mademoiselle de Plouernel, tenant à la main son masque de soie, entrer dans la clairière.


— Mademoiselle de Plouernel acceptera peut-être le rendez-vous que j’impose à sa reconnaissance au nom des services rendus ; mais elle viendra le front hautain, le regard sévère, — avait pensé Nominoë. Quelle fut sa surprise ! les traits de mademoiselle de Plouernel, loin d’exprimer les ressentiments de la fierté blessée, révélaient un profond attendrissement ; elle s’avança d’un pas ferme vers Nominoë, toujours agenouillé, se déganta, lui tendit sa main charmante, hélas ! amaigrie par la souffrance ; puis, son pâle et beau visage se nuançant d’un léger incarnat, elle dit sans chercher à contenir les larmes qui rendirent plus brillants encore ses grands yeux noirs :

— Grâces vous soient rendues, monsieur Lebrenn ! Vous me donnez enfin l’occasion de vous dire que jamais je n’ai oublié… que jamais je n’oublierai que, sur les côtes de Hollande, vous m’avez sauvé la vie… et qu’à La Haye, risquant pour moi vos jours, vous m’avez sauvé l’honneur !… Oui, grâces vous soient rendues… — reprit la jeune fille avec un accent ineffable, tandis que de douces larmes coulaient lentement sur ses joues. — Je vous dois le seul moment de bonheur que j’aie goûté depuis longtemps…

L’émotion de mademoiselle de Plouernel, ses paroles, son accent, la cordialité de son geste en tendant la main à Nominoë, le jetèrent dans un tel trouble que, demeurant toujours à genoux et contemplant la jeune fille avec une sorte d’adoration, il reçut en tremblant