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moi, le plus urgent est de mettre votre sœur dans l’impossibilité absolue de poursuivre le cours de ses insanités ! Elle finirait par faire éclater la révolte qui couve peut-être en ce pays et, qui pis est, par entacher l’honneur de votre maison… Il est temps, plus que temps, que votre indulgence excessive… je ne voudrais pas dire coupable… ait un terme.

— Hé, l’abbé, ne savez-vous pas ?…

— Je sais tout ce que vos projets de double mariage vous imposent de ménagements envers cette écervelée… mais de deux choses l’une : Berthe veut ou ne veut point mener à bonne fin ce mariage ; or, à mon sens, elle ne le veut point.

— Vous êtes dans l’erreur, l’abbé, — dit le comte de Plouernel ; — elle est loin de se prononcer contre cette union. Berthe, dernièrement encore…

— … Demandait à réfléchir ! n’est-ce pas, mon cher Raoul ? Eh bien ! tous ces atermoiements, ainsi que je le disais tout à l’heure à votre tante, n’ont qu’un but : Berthe veut gagner du temps afin de se livrer sans contrainte à ses folies et peut-être à pis encore… C’est là surtout ce dont je suis effrayé pour l’honneur de votre maison…

— De cet effroi quelle est la cause ?

— Mon neveu, savez-vous la secrète pensée de l’abbé ? Il m’en faisait part lorsque vous êtes entré céans… Selon lui, Berthe est amoureuse…

— Bon Dieu, que prétendez-vous là, madame ? — s’écria le comte avec stupeur. — Berthe amoureuse ! et de qui ?

— Tout fait supposer que cet amour est un indigne amour, puisque Berthe l’enveloppe d’un profond mystère, — reprit l’abbé, — car ni la marquise, ni vous, ni moi-même, je le confesse, nous n’avons pu soupçonner ou imaginer jusqu’ici l’objet de cette passion évidemment monstrueuse… puisqu’elle est cachée.

— En y réfléchissant et en me rappelant certains faits dont je suis maintenant frappée, je partage l’opinion de l’abbé, — ajouta la mar-