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Plouernel, les bénédictions dont la comblaient les paysans, arrivèrent aux oreilles de Nominoë. Il pâlit, tressaillit, se dressa sur la pointe des pieds, aperçut au loin Berthe à cheval et qui, en ce moment, tenait entre ses bras la petite fille qu’elle embrassait tendrement. Nominoë contempla ce touchant tableau avec une émotion profonde… ses yeux se noyèrent de larmes… et bientôt baissant la tête, devenant de plus en plus pâle, il resta longtemps immobile ; et, écrasé sous le poids de ses pensées, il fut tiré de cette rêverie douloureuse par la voix d’un soldat qui lui dit :

— Je vais te délier les mains… tu es libre…

— Béni soit Dieu ! tu nous es rendu ! — murmura Tina se soutenant à peine et s’approchant de son époux, appuyée sur le bras de son aïeule. — Ah ! je renais, maintenant… tout à l’heure, j’ai cru mourir…

— Mon fils ! monte à cheval, prends ta femme en croupe et partons !… Nous échappons à un double danger ! — ajoute Salaün, que l’on venait aussi de rendre libre et qui tenait par la bride sa monture et celle de Nominoë. Mais celui-ci, dont les traits livides, contractés, ont pris soudain une expression de désespoir effrayant, attache un moment sur son père, sur Tina, un regard égaré, puis s’écrie d’une voix déchirante : — Adieu ! vous ne me reverrez jamais !… Maudissez-moi ! je suis un misérable fou !

Et, s’élançant d’un bond sur son cheval dont il laboure les flancs à coups d’éperons, Nominoë tourne bride, descend au galop la pente de la route, franchit une haie, gagne la lisière de la forêt de Mezléan avec une rapidité vertigineuse et disparaît dans la profondeur des bois.


Le château de Plouernel, situé non loin de Nantes et de Rennes, est l’une des plus magnifiques résidences de France. Il date de la Renaissance et offre un modèle achevé de cette merveilleuse architec-