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sèrent plusieurs Bretons à coups de baïonnette, dégagèrent le sergent qui, écumant de fureur, jurait tête et sang qu’il ferait pendre jusqu’au dernier de ces rustauds, assez audacieux pour porter la main sur un bas officier du régiment de la Couronne. Tankerù, voyant la lutte avortée, céda aux instances de ses amis et de sa fille, profita de l’inattention des soldats, grimpa l’escarpement du chemin, se glissa entre les branchages de la haie et prit la fuite à travers champs.

Le bailli et l’huissier, dès le commencement de la mêlée, s’étaient efforcés de s’y soustraire, et ils tiraient au large lorsqu’ils se rencontrèrent avec mademoiselle de Plouernel, arrivant au galop de sa haquenée qu’elle arrêta aussitôt, reconnaissant à leur habit noir et à leur court mantel le bailli et l’huissier.

— Bailli ! — s’écria Berthe avec une impérieuse vivacité, — je vous ordonne, au nom du comte de Plouernel, mon frère, de renoncer à la saisie que vous venez opérer… Je vous ordonne de laisser libre le braconnier que vous voulez arrêter !

Le bailli, instruit de la récente arrivée de mademoiselle de Plouernel au manoir de Mezléan, et la voyant accompagnée d’un écuyer aux livrées du comte, ne put douter de l’identité de la jeune fille et, s’inclinant respectueusement devant elle, il répondit :

— Les ordres de mademoiselle seront exécutés…

— Vous êtes l’huissier ? — ajouta mademoiselle de Plouernel s’adressant à l’homme du fisc. — Vous avez aussi une saisie à opérer ?

— Oui, mademoiselle…

— Vous cesserez ces poursuites…

— Mademoiselle, je n’ai d’ordre à recevoir que de mes supérieurs, et…

— Il suffit, — reprit Berthe interrompant l’huissier. — Combien vous est-il dû ?

— Cent et trois francs d’une part ; item, soixante et sept francs ; item, trois nonante et sept francs huit sous et six deniers ; item, deux cents…