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vancer le détachement et d’aller rejoindre le cortége. Le sergent, s’adressant alors à Salaün Lebrenn qui, non moins surpris que ses compagnons d’être traité en prisonnier, se consultait du regard avec eux, le sergent reprit d’un ton goguenard : — Malgré ta promesse qu’aucun de ces bonnets de laine n’essayerait de tirer au large… j’aime mieux tenir que courir dans ce pays du diable ! coupé de haies et de fossés ; donc, je te garde en otage, tes deux compagnons aussi. Vous êtes chefs de la bande ; vous serez garants des autres ! s’ils se sauvent, vous irez en prison jusqu’à ce que vous m’ayez payé chacun deux louis d’or pour moi… et six pistoles pour mes hommes.

— De sorte que vous nous arrêtez ? — dit froidement Salaün ; — de plus, vous nous mettez à la rançon… Mais de quoi nous accusez-vous ?

— Double rustre ! je t’accuse de parler quand tu dois rester coi !

— Mais…

— Tête et ventre ! pas de réplique ! marche ! ou je t’assomme ! — s’écrie brutalement le bas officier, la canne levée. Puis caressant sa moustache : — Ah ! il y a une noce ! dépêchons-nous, la mariée vaut peut-être la peine qu’on la chiffonne ! Mais, bah ! quelque pataude ! Enfin, qui sait ! l’on verra ! Tambour, bats la marche…

Paskou-le-Long, en entendant les grossières paroles du sergent au sujet de la mariée, avait levé au ciel ses longs bras ; Madok-le-Meunier, homme résolu, serrait les poings et, jetant au soldat un coup d’œil de défi, allait éclater. Salaün, d’un geste, lui recommanda de se contenir. Madok se contint, réfléchissant d’ailleurs qu’il y aurait folie à vouloir lutter en ce moment contre les soldats, au milieu desquels les trois Bretons se résignèrent à marcher, tenant leurs montures par la bride ; et le détachement s’avança, tambour battant, sonnette sonnant, vers le cortége nuptial.


Telle est la terreur qu’inspirent les soldats de Louis XIV aux pau-