Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Par la mort Dieu ! voilà des rustauds bien curieux ! — dit le sergent La Montagne au bailli et à l’huissier après avoir insolemment toisé Salaün, Paskou-le-Long et Madok-le-Meunier. Puis, s’adressant derechef à ses deux acolytes, La Montagne ajouta en désignant du bout de sa canne ceux dont il parlait : — Ne sont-ce point là les croquants que vous cherchez ?

— Non, — répondirent le bailli et l’huissier, — nos délinquants sont parmi les autres gens de la noce…

— Soldats, armez vos fusils… et feu sur les bonnets de laine, s’ils bronchent ! — reprit le sergent. — Tambour, bats la marche et en avant !

— Et toi, sonne ta clochette… et en avant ! — dit l’huissier à son recors. — La cloche est au civil ce que le tambour est au militaire !

Les trois Bretons, chagrins et inquiets de voir ainsi repoussée leur intervention pacifique, échangèrent quelques mots à voix basse, et au moment où la troupe allait se remettre en marche, Salaün Lebrenn, s’adressant au sergent, au bailli et à l’huissier d’une voix contenue :

— Messieurs, j’ignore les motifs qui vous amènent, mais quels qu’ils soient, veuillez, je vous en conjure, surseoir seulement jusque après la cérémonie nuptiale aux mesures que vous devez sans doute prendre… De grâce, ne jetez pas le trouble, la frayeur, parmi nos parents, nos amis, nos femmes, nos enfants. Vous recherchez quelqu’un, eh bien ! je vous donne ma parole d’honnête homme que personne ne tentera de s’échapper… d’ailleurs, vous pouvez nous escorter jusqu’au bourg de Mezléan… et là… vous…

Salaün Lebrenn s’interrompit, s’apercevant que lui et ses compagnons étaient tombés dans une sorte de guet-apens. Le sergent, quoiqu’il parût attentif aux observations qu’on lui adressait, avait dit quelques mots à voix basse à son caporal ; celui-ci, exécutant ces ordres, venait de disposer ses soldats de telle sorte que les trois Bretons, enveloppés de tous côtés, se virent dans l’impossibilité de de-