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Nous vivons en de malheureux temps ! opprimés, navrés, que nous sommes par les gens du roi, par nos seigneurs et par l’Église… Appuyez-vous l’un sur l’autre pour les traverser, ces tristes temps ! Puissent vos enfants connaître des jours meilleurs. Et maintenant allons au temple, le Seigneur bénira ceux que l’homme a unis.

La cérémonie achevée, Paskou-le-Long va prendre par la bride le cheval de Nominoë et l’amène devant la porte de la maison. Une sellette, disposée derrière la selle, permettait à l’époux de prendre en croupe son épouse (ils étaient considérés comme mariés depuis l’échange des anneaux). Nominoë saute sur sa monture. Le Brotaër, selon son droit, enlève entre ses bras Tina, souple, légère comme un enfant, et l’assoit derrière son mari. Le cortège nuptial se met en marche, précédé des joueurs de biniou, cornemuse armoricaine ; vient ensuite Paskou-le-Long chevauchant sur son petit cheval blanc, et Madok-le-Meunier enfourchant son âne, puis Nominoë ayant derrière lui la petite Tina… heureuse… oh ! heureuse ainsi qu’on le peut croire d’enlacer de ses bras son époux tant aimé. Puis venaient Salaün Lebrenn et Tankerù, monté sur son cheval d’emprunt, Gildas Lebrenn, sa femme, ses parents, ses amis, assis dans des chariots attelés de bœufs à la pesante allure ; puis enfin, des hommes, des femmes, des enfants cheminant à pied.

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Le cortége nuptial marchait lentement ; chacun remarquait à loisir que l’on ne pouvait voir un couple mieux assorti que l’époux et l’épousée : elle, mignonne et charmante ; lui, d’une beauté mâle et robuste, rehaussée par la sévérité de notre costume breton : chapeau rond à larges ailes, longue veste et soubreveste noires, braies blanches flottantes descendant jusqu’aux genoux et serrées à la taille par une large ceinture de serge écarlate, houseaux de drap noir dessinant la jambe nerveuse de Nominoë, collée au flanc de son vigoureux cheval gris. Tina, dont le rose et frais visage était encadré de sa coiffe,