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tandis que mademoiselle de Plouernel, reconnaissant dans l’un des compagnons de Serdan le jeune et hardi marin de la caravelle, le regarde avec autant de surprise que d’intérêt.

— Mademoiselle ! — s’écrie Serdan revenant en hâte près de la jeune fille et lui montrant l’issue par laquelle il venait de pénétrer dans la salle, — fuyez de ce côté… ce couloir aboutit à un escalier dérobé… vous pourrez…

Serdan n’achève pas. Des coups violents ébranlent la grande porte du salon, trop faible pour une longue résistance, et l’on entend la voix tonnante du boucher criant :

— Elles sont là… elles sont enfermées là… Un coup de hache : la porte est à bas… et ma sœur sera vengée !

Déjà la porte craque sous des chocs réitérés. Berthe, à la voix du boucher, frissonne d’épouvante, et saisie d’une sorte de vertige, suit machinalement Serdan ; il la conduit vers le couloir, lorsque la marquise, la tête perdue de terreur, et presque délirante, saisit Berthe par les mains et s’efforce de la retenir en s’écriant avec égarement :

— À quoi bon fuir ! ces misérables vont nous poursuivre… Nous aurons à peine sur eux quelques pas d’avance… mourons ici.

— Fuyez ! fuyez ! — s’écrie Nominoë, — le couloir est étroit… j’en défendrai l’entrée assez longtemps pour que vous puissiez gagner la ruelle où aboutit l’escalier dérobé !

— Mais vous êtes folle, marquise ! vous voulez nous faire égorger ! — s’était écrié l’abbé en entendant l’étrange résolution de madame du Tremblay, et la poussant brusquement dans le couloir où venait de disparaître mademoiselle de Plouernel, entraînée par Serdan.

Soudain, la porte principale du salon, attaquée à coups de hache, se fend, éclate en morceaux, ses panneaux brisés livrent passage au boucher, suivi de sa bande. Il s’aperçoit de la disparition des Françaises, voit en même temps se refermer brusquement la petite porte pratiquée dans la boiserie, et devinant qu’elles ont fui par cette issue, il s’écrie :