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deux nobles martyrs étaient les victimes innocentes ! ! à chaque profanation sacrilége… mille imprécations rappelaient les atrocités commises par les troupes de Louis XIV ! qui, après le pillage, l’incendie, le viol, le meurtre, outrageaient jusqu’aux cadavres qu’ils dépouillaient de leur linceul…

Enfin, les débris informes des deux plus grands citoyens de la république furent accrochés au gibet où l’on pendait les criminels…

Salaün Lebrenn, son fils et leur ami, fatalement témoins de ce massacre et frissonnant d’épouvante, entendirent bientôt plusieurs voix crier :

— Maintenant, au tour de Tilly ! ! et des autres traîtres du parti français !

— Oui, oui, — acclamèrent d’autres voix, — ce matin ! sans la compagnie du Drapeau-Bleu, Tilly et ses cavaliers nous sabraient !

— Mort à Tilly ! — Saccageons sa maison ! — Mort aux traîtres !

Tout à coup le boucher s’élance sur une borne ; ses bras sont ensanglantés, ses yeux étincellent, sa bouche écume, et en proie à la terrible ivresse du meurtre, il s’écrie d’une voix pantelante :

— Ma sœur a été violée, éventrée, par les soldats de Louis XIV. Il y a des Françaises chez Tilly… vengeance et représailles !

— Vengeance et représailles ! — hurlèrent les plus forcenés de la foule. — Chez Tilly… chez Tilly !

— Ah, c’est affreux ! — dit à demi-voix Serdan à Salaün Lebrenn et à Nominoë. — La malheureuse enfant est perdue, si la maison de Tilly est envahie !

— Ami ! — reprit Salaün Lebrenn, — de qui parlez-vous ?

— De la plus noble, de la plus belle jeune fille que j’aie jamais rencontrée !… Elle est Française et demeure avec sa tante chez M. de Tilly… Vous avez entendu les menaces de représailles du boucher… L’infortunée est perdue, vous dis-je, si cette bande furieuse force la maison de Tilly…

— Mon père… il faut tâcher de la sauver… N’est-elle pas notre