Jean de Witt prit vivement la missive, la parcourut et s’écria : — Mon frère m’écrit qu’il désire me voir à l’instant.
— C’est un piége ! — dit soudain Serdan, — vous oubliez que Corneille est incapable d’écrire !
— Pourquoi donc serait-il incapable d’écrire ? — demanda madame de Witt, ignorant que son beau-frère avait eu les mains brisées par la torture.
Un silence embarrassé succéda d’abord à la question de madame de Witt, et M. de Tilly reprit aussitôt :
— Madame, en ce moment, votre beau-frère souffre d’un abcès au doigt, et il lui serait difficile de tenir une plume.
— Marie, mon manteau, mon épée, mes gants, je vous prie, — dit Jean de Witt à sa femme. Celle-ci sortit afin d’aller quérir ce que lui demandait son mari. À peine fut-elle éloignée, que M. de Tilly, Serdan, Salaün Lebrenn et son fils s’écrient d’une voix alarmée :
— Renoncez à ce projet ! — N’allez pas à la prison ! — C’est aller à la mort !
— Encore une fois, cette lettre est fausse ! — s’écrie Serdan, — l’on vous tend un piége dont le geôlier est complice.
— D’abord, écoutez ce que me mande Corneille, — dit Jean de Witt à ses amis, et il lut :
« — Cher frère, je suis obligé d’emprunter une main étrangère pour vous écrire. Je vous en adjure, venez à l’instant près de moi à la châtellenie, votre présence m’est indispensable. L’un des geôliers m’est dévoué ; il vous guidera par un chemin détourné où vous ne rencontrerez personne. Venez, venez. »
— Trahison ! — répéta Serdan, — je vous répète que l’on veut vous attirer dans un piége, un guet-apens !
— Corneille a entendu de sa prison les cris de mort proférés contre lui, contre vous, — ajouta M. de Tilly, — à chaque instant, on craint que le peuple furieux n’envahisse la prison, et votre frère