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ment rassuré sur l’issue de l’accusation insensée qui pèse sur son frère… Je n’ai pas osé lui apprendre les craintes dont ce matin vous m’aviez fait part… je voulais en douter encore… Il est donc vrai… ils ont osé…

Serdan s’interrompit entendant Jean de Witt dire à M. de Tilly d’une voix assurée :

— Pardon de ma faiblesse, mon ami… mais il est des coups imprévus qui vous surprennent et vous brisent… Mon frère, grâce à Dieu, vit encore… Parlez, je vous écoute…

— Vous le voulez ?…

— Je le veux…

— J’étais, ce matin encore, persuadé, ainsi que vous, du néant de l’accusation portée contre Corneille, lorsque je rencontrai un officier de la milice bourgeoise de garde à la prison ; il est des nôtres, et m’affirma que l’exaspération du peuple contre vous, contre votre frère et le parti français, que l’on rend solidaire des férocités commises par les troupes de Louis XIV, devenait si menaçante, que le tribunal chargé de juger Corneille de Witt, et d’ailleurs composé d’orangistes exaltés, s’était décidé, afin de satisfaire aux aveugles ressentiments de la foule…

— Achevez…

— S’était décidé, — reprit M. de Tilly en frissonnant, — de soumettre votre frère à la torture, pour lui arracher l’aveu de son crime… Cette atrocité a été commise !

— Dieu juste ! — s’écria Jean de Witt, levant les mains et les yeux au ciel, — Dieu juste ! tu entends !…

Serdan, Salaün Lebrenn et son fils ne purent contenir un cri d’indignation et d’horreur.

— Mais mon frère ! — s’écria Jean de Witt avec désespoir, — il expire peut-être des suites de cette torture !

— Malgré les souffrances qu’il a endurées, sa vie est sauve ! — reprit M. de Tilly ; — je vous le jure !