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nous est acquis… votre puissante influence, en votre qualité de grand pensionnaire de Hollande, sera décisive sur l’assemblée des États, et…

— Pardonnez-moi, monsieur, de vous interrompre… Je ne suis plus grand pensionnaire de Hollande…

Serdan, Salaün Lebrenn et Nominoë se regardèrent, saisis de surprise ; ils restèrent un moment silencieux. Serdan reprit le premier la parole et s’écria :

— Quoi, mon ami ! ce que vous vous apprenez là est-il possible ?… Je crois à peine ce que j’entends !

— Lorsque vous êtes entré, ainsi que ces messieurs, j’achevais d’écrire cette lettre à l’amiral Ruyter. — Et Jean de Witt montra du geste la lettre placée sur la table. — J’instruisais l’amiral de ma démission des fonctions de grand pensionnaire de Hollande… Néanmoins, l’entretien que je devais avoir avec vous et M. Lebrenn était d’une telle importance, que bien que n’occupant plus les fonctions dont j’étais revêtu, j’ai trouvé opportun de conférer avec vous, afin de pouvoir, au besoin, vous assurer de mon concours comme membre de l’assemblée des États, où je compte de nombreux amis.

— Ah ! monsieur, — dit tristement Salaün Lebrenn, de qui le fils partageait la pénible émotion, — si j’en crois mes pressentiments, votre retraite sera funeste à la sainte cause de la liberté !

— Mais, de votre démission, quelle est la cause ? — reprit Serdan. — Quoi ! Jean ! l’État est en péril… et vous résignez les plus hautes fonctions dont un citoyen puisse être revêtu ?

— Mon ami, loin de servir la république, ma présence aux affaires lui serait fatale.

— Que dites-vous ?

— Soyez sincère, — reprit Jean de Witt. — Vous êtes depuis peu de jours de retour à La Haye ; mais le changement profond de l’esprit public à mon égard n’a pu échapper à votre pénétration habituelle… Dites… quelle opinion le peuple a-t-il aujourd’hui de moi ?