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ceux-ci, cet appui a toujours été pur de tout projet d’agrandissement aux dépens de la France ! Cet appui a toujours eu pour but le triomphe de la réforme et de la liberté de tous ! En résumé, lorsque, opprimé dans son esprit, dans sa chair, dans les siens, dans son bien, dans son droit, dans sa foi, un peuple invoque contre son tyran le secours d’un peuple ami et désintéressé, ce n’est pas l’étranger qu’il appelle à son secours, ce sont ses frères de la grande famille humaine !

— Mon fils, — dit Salaün Lebrenn à Nominoë, — tu es bien jeune encore, nous vivons en de malheureux temps ; tu devras sans doute prendre part à des luttes aussi pénibles que celles où nos pères ont été, à travers les âges, tour à tour victorieux et vaincus ; n’oublie jamais ces nobles paroles de l’un des plus grands citoyens dont puisse s’honorer un peuple républicain.

— Mon père ! — répondit Nominoë d’un ton ému et pénétré, — les paroles que j’entends ici resteront à jamais gravées dans ma mémoire, de même que restera toujours présent à ma pensée le souvenir de l’homme illustre que j’ai le bonheur de contempler aujourd’hui. — Et le jeune marin ajouta, répondant à un mouvement de Jean de Witt, qui parut embarrassé de la crudité d’une louange où il voyait de l’exagération : — Ah ! monsieur ! votre esprit est trop élevé, votre expérience des hommes trop sûre, pour confondre avec une basse flatterie le sincère enthousiasme que l’on éprouve à mon âge pour le génie et la vertu ! Mon Dieu ! si vous saviez avec quelle avidité j’écoutais notre ami, M. Serdan, lorsqu’il nous racontait la simplicité de votre vie consacrée depuis tant d’années au service de la république, à la défense de ses droits, au progrès de sa puissance, à l’affermissement de ses libertés !… Si vous saviez combien est doux, combien est salutaire à l’âme ce culte religieux que l’on voue aux grands hommes ! combien cette admiration est féconde en généreux désirs, en vaillantes résolutions ; combien elle redouble en nous l’amour du juste, l’horreur de l’iniquité !