Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que puisque, sans consulter les peuples, les rois déclarent la guerre à qui gêne leur ambition ou blesse leur orgueil, les peuples ont à leur tour le droit de s’allier à qui les aide à briser leur joug… Cette opinion, monsieur, n’est-elle pas la vôtre ?

— Oui, — reprit Jean de Witt, — tout peuple opprimé a le droit, au nom de la justice éternelle, de demander secours et appui à un peuple ami contre la tyrannie… mais, à cette condition absolue, que cet appui, que ce secours, ne cachent, de la part de ceux qui le prêtent ou de ceux qui le reçoivent, aucun projet contraire à l’intégrité du territoire, à l’indépendance, à l’honneur du pays, à la liberté de tous !

— Aussi, honte, exécration éternelle à la Ligue ! — s’écria Serdan ; — elle demandait l’appui de l’Espagne afin d’exterminer les protestants et de détrôner Henri IV, qui, malgré ses vices, ses fautes déplorables, représentait du moins la nationalité de la France…

— Tandis que la Ligue… l’Union catholique, représentait au contraire le parti de l’étranger, le parti de Rome, de l’Espagne et de l’inquisition, — ajouta Salaün Lebrenn. — Les ligueurs, dans leur haine des protestants et de l’esprit de liberté, rêvaient un despotisme affreux, pratiqué à leur profit ! N’ont-ils pas caressé la pensée parricide du démembrement de la France ? N’ont-ils pas voulu offrir le trône à Philippe II, ce fanatique couronné dont la tyrannie sanglante a épouvanté le monde ! Honneur à vos pères, monsieur de Witt, ils ont, par leur sainte révolte, porté le premier coup à la monarchie espagnole, en fondant, au prix de leur sang, cette république aujourd’hui mise en péril par Louis XIV.

— Rien de plus juste que votre remarque, monsieur, — répondit Jean de Witt. — Oui, à la gloire éternelle du protestantisme, qui est ma foi, les protestants mis hors du droit commun, toujours sous le couteau, ont pu, dans le siècle passé, dans celui-ci, afin de défendre leur famille, leur foyer, leur croyance, leur vie toujours en péril, demander secours aux peuples de leur religion ; mais, de la part de