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de vingt-trois ans, député de cette ville et ruart (ou inspecteur général) des digues, dans le bailliage de Putten ; attributions d’une haute importance, en ce pays où les digues protègent la culture, la fécondité du sol et peuvent devenir par leur rupture volontaire un moyen de défense désespéré, mais redoutable, en cas d’invasion ennemie. Corneille de Witt, homme de vertu antique, ainsi que son frère, et doué de connaissances variées, ne se bornait pas à la pratique des affaires de l’État : appliqué dès sa première jeunesse à la science nautique, et devenu excellent marin, il avait, durant la guerre actuelle, puissamment concouru, par ses conseils, au brillant succès de l’attaque de la flotte hollandaise contre le port de Chatam, victoire désastreuse à la marine anglaise ; enfin, lors de la bataille navale livrée cette même année aux forces anglaises et françaises par la flotte de l’amiral Ruyter, dans les parages de Solbaie, Corneille de Witt, commissaire de l’amirauté de la république, et en cette qualité assis dans sa chaise d’ivoire, au poste le plus périlleux (sur le château d’arrière du vaisseau amiral), bravant avec un sang-froid héroïque un feu meurtrier, assistait impassible au glorieux combat dont il avait concerté le plan avec Ruyter.

Jean de Witt, plus jeune de deux ans que son frère, le primait comme homme d’État et l’égalait en civisme, en vertus, en courage ; élu, vers 1662, pensionnaire de Hollande (ou agent exécutif de la république), et ainsi placé à la tête du gouvernement, l’amour qu’il portait à son pays prit un caractère religieux ; il regarda ses fonctions comme un sacerdoce : inaccessible aux orgueilleux enivrements du pouvoir, par l’élévation naturelle de son caractère, jamais la simplicité, la modestie de ce grand homme de bien, ne se démentirent ; jamais non plus sa rigide honnêteté, son respect du droit, du devoir et de la foi jurée, ne fléchirent devant le détestable prétexte des nécessités d’État. Enfin, chargé des relations diplomatiques des Provinces-Unies auprès des ambassadeurs étrangers, il déjoua toujours leurs piéges, leurs perfidies tortueuses, leurs menées souterraines, leurs