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— Il faut, de toute façon, éclaircir ce point, — dit la marquise ; et s’adressant au laquais : — Introduisez cet étranger.

— Plus j’y réfléchis, — se disait à part soi mademoiselle de Plouernel pensive et étonnée, — plus l’inquiétude de ma tante et de l’abbé, au sujet de cette lettre, me semble inexplicable.


Le laquais a bientôt introduit dans le salon un homme âgé de quarante-cinq ans environ, simplement vêtu de brun, sans galons ni broderies, et portant seulement un nœud d’épaule écarlate comme la plume de son feutre gris et le ruban de son épée suspendue à un baudrier de buffle. Le teint basané de ce personnage, son œil vif, pénétrant et noir comme sa moustache, semblaient indiquer une origine méridionale ; de stature moyenne, robuste et nerveux, son attitude résolue, sa physionomie où l’intelligence et l’esprit disputaient à la hardiesse, tout révélait en lui l’énergie d’un homme d’entreprise, mais qui, complètement sûr et maître de soi-même, ne laissait percer de sa personnalité que ce qu’il n’avait point intérêt à cacher. Il se présenta dans le salon avec une aisance parfaite, s’inclina respectueusement devant la marquise et sa nièce, puis les contempla tour à tour et silencieusement toutes deux, avec une attention si marquée, si tenace, que madame du Tremblay, très-embarrassée du regard pénétrant de cet étranger, dit à sa nièce : — Venez Berthe… laissons M. l’abbé.

Mademoiselle de Plouernel se disposait à suivre sa tante, lorsque l’inconnu, après avoir avec un redoublement d’attention contemplé la jeune fille, s’inclina derechef devant madame du Tremblay, en disant :

— Si madame la marquise veut bien le permettre, l’entretien que je désire avoir avec elle et M. l’abbé Boujaron aura lieu en présence de mademoiselle de Plouernel.