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— Oui, ma tante ; et par une coïncidence singulière, c’est aussi près de ces gigantesques pierres druidiques de Karnak, encore debout aujourd’hui, au bord de la mer, qu’étaient situés les champs de cette famille gauloise, dès avant la conquête de la Gaule par Jules César…

— Ma nièce, prétendez-vous vous railler de moi ? Un pareil souvenir encore vivant après dix-sept siècles et plus ! 


— Rien de plus simple, si l’on songe à la perpétuité de ces traditions de famille léguées d’âge en âge et signalées dans le manuscrit du colonel de Plouernel. Et si vous le désirez, ma tante, lors de notre premier séjour en Bretagne, je vous lirai ces pages si curieuses, et vous reconnaîtrez que tout y respire une entière sincérité.

— Vous me ferez grâce, s’il vous plaît, de cette belle lecture, qui me révolterait abominablement.

— En ce cas, je n’insisterai pas à ce sujet, j’achèverai seulement mon récit en ajoutant que M. de Plouernel, afin d’être agréable à son ami l’armurier de La Rochelle…

— Un Neroweg de Plouernel… ami d’un armurier !… C’est pourtant à de pareilles bassesses que conduit l’esprit de révolte contre l’Église et le roi ! Continuez.

— M. de Plouernel, dis-je, offrit à cet armurier de prendre à long bail la métairie de Karnak ; acceptant cette offre avec reconnaissance, il vint s’établir avec sa famille sur le domaine de Mezléan, et d’armurier se fit laboureur. Mais, selon la coutume, usance et habitance se changeant, au bout d’un certain nombre d’années, en vassalité, les descendants de l’armurier, n’ayant jamais, depuis le siècle dernier, quitté la terre de Mezléan, sont aujourd’hui vassaux de mon frère. De ce fait, ma mère s’est assurée, en ordonnant au bailli de Plouernel d’écrire au bailli de Mezléan, afin de s’informer si une famille Lebrenn (c’est le nom de cette famille) n’habitait pas la métairie de Karnak ; le bailli répondit qu’en effet, depuis l’année 1573, un homme de ce nom avait pris à redevance cette métairie, encore