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— Mais, ma tante, ces légendes, le colonel les a vues, les a lues ; il en a même copié divers fragments à l’appui des conseils qu’il donne à son fils.

— Bagatelle ! invention huguenote !

— Que vous dirai-je ! cette famille qui s’est transmis de siècle en siècle ses annales depuis l’antiquité la plus reculée, cette famille existe encore… elle est vassale de mon frère…

— Cette famille ?

— Oui, elle habite aujourd’hui l’un de ses domaines… Quelle meilleure preuve puis-je vous donner de la réalité de ce que j’avance ?

— S’il en est ainsi, la chose, je l’avoue, est extraordinaire, — reprit la marquise stupéfaite. — Mais comment savez-vous cela ?

— Mon frère, en outre de ses vastes possessions en Auvergne et dans le Beauvoisis, est en Bretagne seigneur de Plouernel et de Mezléan ?

— Sans doute… Et, si je ne me trompe, le noyau de ce domaine de Mezléan, plus tard considérablement augmenté par des acquisitions successives, avait été apporté en dot à ce colonel renégat par madame sa femme.

— Précisément, ma tante… Eh bien, à la fin du siècle dernier, lors du siège de La Rochelle, M. de Plouernel s’était lié d’une étroite amitié avec l’un des descendants de cette famille gauloise, armurier de son état et l’un des plus vaillants soldats de l’amiral de Coligny…

— Que voici une honorable liaison ! Mais quoi d’étonnant à ce qu’un apostat s’avilisse jusque dans ses amitiés… Continuez.

— Or, cet armurier éprouvait le plus vif désir de venir, après la fin de la guerre religieuse, s’établir en Bretagne, antique berceau de sa famille, qui, selon ses légendes domestiques, possédait jadis des champs non loin de Karnak.

— N’existe-t-il pas une métairie de ce nom dépendant du manoir de Mezléan ?