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(Moi, Antonicq Lebrenn, j’ai lu dans un livre de ce temps-ci le récit d’un témoin oculaire de la mort du duc de Guise ; ce récit, le voici :)

« Le lundi 22 de ce mois, le duc de Guise, se mettant à table pour dîner, trouva sous sa serviette un billet portant qu’il prit garde, qu’on était sur le point de lui jouer un mauvais tour. — Le duc écrivit au crayon de sa main sur le billet : — L’on n’oserait, — et jeta le papier sous la table. — Le vendredi 23 décembre, — le roi manda de bon matin au duc de Guise et au cardinal son frère qu’ils vinssent au conseil, afin de s’entretenir de choses importantes. — Ils y vinrent et trouvèrent les gardes renforcées, ce à quoi toutefois ne prenant pas garde, les deux frères passèrent outre. Et quoique le duc eut reçu le matin même un nouvel avis de se tenir sur ses gardes, il mit l’avis dans sa pochette en disant : — Voilà le neuvième avis d’aujourd’hui. — Le duc de Guise entra donc dans la salle du conseil, habillé d’un habit de couleur grise très-léger pour la saison. On vit l’œil du côté de sa balafre pleurer, et il saigna par le nez quelques gouttes de sang. Il envoya l’un de ses pages quérir un autre mouchoir, et il eut, un instant après, comme un affaiblissement, interprété par beaucoup de personnes comme suite de ses excès de la nuit, qu’il avait passée avec une dame de la cour. Sur ce, le roi manda près de lui le duc, par Revol (l’un des serviteurs d’État), qui le trouva serrant dans un drageoir d’argent des fruits confits dont il venait de manger quelques-uns, à cause de son affadissement de cœur ; et à l’instant, le duc se rendit chez le roi. S. M. avait laissé dans sa chambre huit des plus déterminés des quarante-cinq gentilshommes de sa garde, et se retira dans un cabinet donnant sur le jardin, avec le colonel Ornano ; — douze autres des quarante-cinq furent placés en réserve dans un second cabinet ; d’autres enfin sur les degrés d’un escalier dérobé. M. d’Entrague alla requérir un des chapelains du roi de dire messe : pour le bon succès d’une entreprise de S. M.