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de ne point être persuadée, ainsi que vous prétendez l’être, que l’on va ressusciter en chair et en os dans les étoiles… Or, pour revenir à ce manant d’eau salée, son injurieux dédain de la généreuse gratification qu’on lui offrait nous rend plus que quittes envers lui.

— Telle n’est pas mon opinion, ma tante… Et j’ai prié M. de Tilly, notre hôte, d’avoir l’obligeance de tâcher de s’enquérir du nom et de l’adresse de notre courageux compatriote, qui doit habiter momentanément le port de Delft…

— Et dans quel but cette belle enquête ?

— Je désire charger M. de Tilly d’assurer notre sauveur de notre reconnaissance et de le prier d’excuser l’étrange procédé de M. l’abbé à son égard, excuses que je n’ai pas eu, je l’avoue, le courage de lui offrir dans le premier moment, tant je me sentais péniblement confuse de l’humiliation qu’il subissait, et dont il s’est d’ailleurs vengé avec mesure et bon goût… Tout à l’heure, en le voyant passer sur la place…

— Vous avez eu probablement envie de l’appeler par la fenêtre ? — s’écria la marquise suffoquée, après avoir écouté mademoiselle de Plouernel avec un ébahissement profond. — En vérité, ma nièce, vous perdez complètement la tête…

— Je ne pensais nullement à appeler notre compatriote par la fenêtre, je regrettais seulement que M. de Tilly ne se fût pas trouvé ici avec nous, il aurait pu le rejoindre et…

— Ma nièce… je dois vous déclarer que… — Mais la marquise, réfléchissant à l’inopportunité des reproches qu’elle allait adresser à la jeune fille, se contint et reprit, afin de changer le cours de l’entretien : — Tenez, ma chère, vous me dites des choses tellement saugrenues, que je préfère encore vous entendre parler du colonel de Plouernel… et de ce manuscrit qui contenait, selon vous, un fait si extraordinaire.

— Rien de plus facile que de vous satisfaire, ma tante,— répondit Berthe avec un demi-sourire qui semblait pronostiquer à la