Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 12.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nement de la véhémente indignation de mademoiselle de Plouernel, se ravisa, réfléchit un moment ; puis, donnant à ses traits l’expression la plus doucereuse ; à sa voix l’accent le plus affectueux, elle dit à sa nièce encore frémissante de mépris et de dégoût :

— Ma chère enfant… venez m’embrasser…

La jeune fille, étrangement surprise de ce soudain accès de tendresse, hésitait à se rendre au désir de sa tante, qui reprit :

— Oui, venez m’embrasser, vous êtes une noble personne, digne du nom que vous portez ; vous êtes sortie triomphante d’une petite épreuve que je vous ménageais…

— Une épreuve ? — reprit mademoiselle de Plouernel, sans cacher d’abord son incrédulité ; mais bientôt, cédant à la pente des caractères droits et purs, plus disposés à incliner vers le bien que vers le mal, et ayant d’ailleurs assez conscience d’elle-même et de ce qu’elle devait paraître à sa tante, pour croire que celle-ci eût voulu sérieusement lui présenter comme un sort enviable la destinée de mademoiselle de Kéroualle, Berthe se rapprocha de la marquise, qui, l’embrassant avec effusion, ajouta :

— Oui, oui, chère enfant, vous êtes digne du noble nom de Plouernel !… Je m’y attendais.

— Béni soit Dieu… C’était une épreuve ! — reprit la jeune fille, souriant à demi et se sentant allégée d’un grand poids ; il lui eût été si pénible de penser que le déshonneur lui était offert en exemple par la sœur de son père ! — Mais, ma tante, soit dit sans reproche, — ajouta Berthe, — l’on n’éprouve que ceux de qui l’on doute : vous doutiez donc de moi ?

— Non, certes, mais de nos jours l’on a vu l’amour d’un roi tourner tant de jeunes têtes et des plus solides… que…

— Que vous croyiez peu à la solidité de la mienne ?…

— Si créante que j’y fusse, je voulais, chère nièce, vous donner l’occasion de montrer cette solidité dans tout son lustre… Seulement, soit dit à mon tour sans reproche, je déplore qu’une jeune personne