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sommer le roi, par l’archevêque de Lyon, « de retrancher de l’impression de son discours la phrase susdite, qui pouvait réveiller les discordes passées. » Henri III, frémissant de colère, céda devant cette menace, la phrase contre le duc de Guise fut supprimée lors de l’impression de ce discours. Le roi, au moment où l’on discutait la question des subsides, fit demander par son chancelier vingt-sept millions pour subvenir à ses dépenses. — Les États refusèrent d’allouer cette somme. Le roi fit dire à ces récalcitrants : « — qu’il se courroucerait grandement si l’on exigeait le rabais des tailles et si on lui refusait les vingt-sept millions. » — Les États persistèrent dans leurs refus et dans leurs réductions, menaçant de se retirer si l’on n’avait égard à leurs réclamations. Henri III dut céder encore, et l’assemblée voulut bien, « — sur l’extrême nécessité du roi mis à la besace, lui octroyer provisoirement six vingt mille écus, — et encore à la condition que cette somme serait en partie employée à la guerre contre les huguenots. »

Le roi, exaspéré par tant d’humiliations, les attribuait aux menées du Guisard, et bientôt, pour combler la mesure, il apprit que le Balafré comptait achever à Blois l’entreprise tentée à Paris lors de la journée des Barricades, mais empêchée par la fuite du roi ; en un mot, les États généraux devaient confirmer d’une façon irrévocable la nomination du duc de Guise aux fonctions de connétable (fonctions qu’il tenait seulement jusqu’alors du bon plaisir royal) ; ensuite de quoi le nouveau maire du palais, investi d’un pouvoir sans bornes, cloîtrerait Henri III, exilerait Catherine de Médicis et proclamerait bientôt la déchéance des Valois. Le frère de Charles IX résolut de prévenir les desseins de son adversaire en le faisant assassiner, ainsi qu’il en avait eu déjà le projet ; le meurtre fut débattu au conseil royal et résolu après ces paroles de Henri III : « — Mettre le Guisard en prison serait tirer un sanglier aux filets qui pourrait être plus puissant que nos cordes, tandis qu’en le tuant, il ne nous fera plus de peine. Homme mort ne guerroie plus ! »