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vient près de la reine ; et celle-ci, souriant, dit à sa fille d’honneur, en faisant miroiter à ses yeux le flacon d’or :

— Tu vois ceci, mignonne ?

— Oui, madame.

— Sais-tu ce que contient ce flacon ?

— Non, madame.

— Il contient… l’amour de Frantz de Gerolstein.

— Je ne comprends pas les paroles de Votre Majesté…

— As-tu entendu parler des philtres qui font aimer ?

— Mes compagnes parlaient, ce soir, de ces magies…

— Y crois-tu ?

— Quel soupçon ! — pensa soudain Anna-Bell avec une secrète épouvante. — Ah ! tâchons de cacher mes craintes à la reine…

— Réponds, mignonne… crois-tu à la puissance des philtres qui font aimer ?

— Ce soir… — dit la fille d’honneur, s’efforçant de dominer son émotion, — ce soir, Clorinde de Vaucernay nous racontait, madame, qu’une femme de la cour était parvenue, au moyen de l’un de ces breuvages enchantés, à captiver un homme qui ressentait pour elle une profonde aversion.

— Ainsi tu crois à l’action des philtres ?

— Il le faut bien… madame, — répond Anna-Bell, afin de ne pas éveiller les défiances de la reine, — en présence de certains faits inexplicables sans cette croyance.

— Le doute même à ce sujet serait de l’aveuglement, ce serait volontairement fermer les yeux à la lumière… Eh bien, mignonne, le philtre contenu dans ce flacon et composé par Ruggieri, mon alchimiste, sous la conjonction d’astres merveilleusement favorables, est d’une telle efficacité, que quelques gouttes de ce breuvage, versées par une femme qui veut être aimée d’un homme, suffisent à le rendre pour toujours amoureux, entends-tu ?… amoureux jusqu’au délire… jusqu’au vertige… Enfin une femme ainsi follement