Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Guyenne et autres provinces, s’il voulait embrasser la religion réformée… Le roi d’Espagne et le saint-père ont partout des espions ; avez-vous eu connaissance de ce projet ?

— Non, madame.

— Mon révérend, s’il n’est pas absolument indispensable à vos intérêts de me tromper là-dessus… répondez-moi sincèrement…

Le jésuite réfléchit un moment et reprend : — En effet, madame, nous avons eu connaissance de cette négociation… Maintenant, je peux vous le dire, elle a été l’une des causes de la mission que j’accomplis près de vous…

— Un agent du cardinal a été sans doute l’organe de cette révélation ?

— Il se pourrait, madame.

— Et afin de déjouer ce complot, le cardinal engageait Philippe II à me proposer le duc d’Albe comme général en chef de l’armée catholique, à la condition qu’il aurait pour lieutenants le jeune Henri de Guise, neveu du cardinal, et son frère le duc d’Aumale ?

— Ces propositions ont été faites, il est vrai, madame, au roi d’Espagne.

— Elles ont été favorablement accueillies ?

— Oui, madame… mais S. M. catholique ignorait les derniers événements survenus au détriment des huguenots, et votre inébranlable résolution de les extirper jusqu’au dernier, le moment venu…

— Vous avez lu tout à l’heure, mon révérend, la lettre de mon fils d’Anjou ; il m’annonce son bon espoir de renvoyer demain M. de Coligny devant son juge naturel… selon votre heureuse expression. Le cardinal mentait donc effrontément en accusant mon fils de traiter secrètement avec l’amiral… n’est-ce pas évident ?

— Cependant, madame, M. le cardinal n’est point un sot, tant s’en faut… Comment supposer que, sachant que demain vous verrez à l’armée M. de Tavannes et M. le duc d’Anjou, Son Éminence se soit embarquée dans un maladroit et dangereux mensonge ? Ceux