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de vous, il ait remis l’épée au fourreau et dorme paisible en sa maison ?

— Certes.

— Enfin, pour l’amener à cette trompeuse sécurité, ne viendrez-vous pas à lui, le visage amical, la main tendue, lui disant : « Oublions nos inimitiés, soyons frères ? »

— Mais il faut que notre ennemi ait fiance à notre sincérité… madame.

— Et les serments ?…

— Oh ! oh ! les serments !… et surtout les serments de certaines personnes… Piège éventé… piège éventé… Croyez-moi, madame… si Votre Majesté compte là-dessus pour endormir les huguenots, elle s’abuse…

— Et voilà justement une déplorable erreur, mon révérend… Le serment impose créance à une foule de gens ; il ne faut point du tout dédaigner d’user du serment ; il doit faire partie du bagage des princes qui, moitié renards, moitié lions, suivent les préceptes de mon divin maître, Machiavel. Écoutez ce qu’il dit, je le sais par cœur ; c’est mon Évangile à moi : « — Les animaux dont le prince doit savoir revêtir la forme sont le renard et le lion ; le premier se défend mal contre le loup, et le second donne facilement dans les pièges qu’on lui tend ; le prince apprendra donc du renard à être adroit ; du lion, à être fort. Ceux qui dédaignent le métier de renard n’entendent rien au gouvernement des hommes ; en d’autres termes, un prince ne peut, ne doit tenir sa parole que lorsqu’il le peut sans se faire tort… Le point est de bien jouer son rôle, de savoir à propos feindre et dissimuler. Pour ne citer qu’un exemple, le pape Alexandre VI se fit toute sa vie un jeu de tromper ; cependant, malgré son infidélité bien reconnue, il réussit dans tous ses artifices : protestations, serments… » Vous entendez, mon révérend, — ajouta l’Italienne en appuyant sur le mot serments. « — Jamais prince ne viola plus souvent sa parole, ne respecta moins