Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas l’hérédité royale un attentat aux droits permanents de la nation ? Je vous dis que nous vivons en de terribles temps ! Et tenez, vous-mêmes, mes révérends, ne prêchez-vous pas la doctrine du régicide ?… J’ai été sincère… soyez-le donc aussi !

— De vrai, madame ! nous voyons, sans regret, frapper les rois qui ne travaillent point énergiquement à la plus grande gloire de l’Église catholique…

— Est-ce que mes fils et moi nous refusons d’y travailler énergiquement, impitoyablement, à la plus grande gloire de votre Église ? Est-ce que je ne viens pas de vous donner des preuves de notre implacable résolution ? Je vous demande après tout qu’est-ce que cela fait au saint-père que les huguenots soient exterminés par nous, au lieu de l’être par les Guises et par l’Espagne ? Est-il donc besoin de renverser pour cela notre dynastie ?

— Madame, croyez-moi, Sa Sainteté voit fort clair dans le jeu du roi d’Espagne… Ce serait seulement à la dernière extrémité que Rome frapperait d’excommunication et d’interdiction le fils de Votre Majesté ! Que demandons-nous ? L’extirpation radicale, absolue de l’hérésie, et d’où qu’elle vienne, cette extermination, nous la glorifierons, nous la bénirons, nous la sanctifierons… dans son auteur ! Voilà pourquoi, madame, je suis venu vous engager, au nom de l’intérêt de Votre Majesté et de celui de votre fils… à poursuivre la guerre avec une inexorable rigueur.

— La guerre ! — reprit la reine avec impatience et haussant les épaules,— faut-il que vous, mon révérend, homme pénétrant, vous vous fassiez ainsi l’écho du pape et de Philippe II ? La guerre ! toujours la guerre !

— Mais, madame…

— Voyons, mon révérend, pour tuer votre ennemi, choisirez-vous le moment où il est sur ses gardes et armé ?

— Non, sans doute.

— N’attendrez-vous pas que, croyant n’avoir plus rien à redouter