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capitaines. Ces tiraillements, ces conflits entravent la marche de la guerre ; les hérétiques profitent de ces divisions. Aussi, dernièrement encore, M. le duc des Deux-Ponts a-t-il pu pénétrer au cœur de la France, amener aux huguenots un renfort considérable… et à cette heure, il les a rejoints.

— Le duc des Deux-Ponts ? — dit Catherine de Médicis avec un sourire sinistre. — Vous ignorez donc ?…

— Quoi, madame ?

— J’y songe… les dernières nouvelles n’ont pu parvenir à Bayonne avant votre départ.

— Et ces nouvelles, madame ?

— Nous y reviendrons… Mais d’abord, mon révérend, afin de vous mettre à même d’apprécier sainement les faits qui me concernent, je dois me confesser à vous… Je serai franche… Mon intérêt le veut…

— Madame, je suis prêt à vous entendre.

— Pour vous donner la clef de ma conduite à l’endroit des huguenots, toujours aussi diversement que faussement interprétée, je commence par vous déclarer ceci : je n’ai point de religion… Ce début vous étonne peut-être ?

— En aucune façon.

— Il vous indigne ?

— Pas le moins du monde.

— Et cependant, si impie, que soit cet aveu, mon révérend, vous le croyez sincère ?

— Très-sincère.

— En ce cas, mon révérend, nous pourrons nous entendre ; car vous justifiez ce que l’on rapporte des gens de votre ordre… Donc, je n’ai point de religion ; d’où il suit qu’absolument désintéressée au sujet des discussions religieuses, je n’ai vu en elles que des événements à exploiter au profit de mon pouvoir… Est-ce là de la franchise, mon révérend ?

— Madame, l’on ne peut la pousser plus loin…