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sence serait au camp de La Roche-la-Belle d’un bon effet politique, afin de réconforter le moral des chefs catholiques, ébranlé par l’incroyable audace des huguenots, qui, malgré la perte de la bataille de Jarnac, malgré la mort de M. le duc des Deux-Ponts, malgré la mort de M. de Condé, malgré la mort de Dandelot, frère de Coligny, trois des chefs les plus considérables de leur parti, enlevés en moins d’un mois…

— Le doigt de Dieu est là, madame, — dit le cardinal, interrompant et observant attentivement l’Italienne ; — ces trois morts… subites sont providentielles…

— Providentielles… — poursuivit la reine, impénétrable. — Cependant, malgré ces pertes désastreuses, les huguenots poussent la campagne avec une nouvelle énergie, les chefs catholiques faiblissent ; ma présence doit, m’avez-vous dit, les raffermir. Votre avis m’a paru sage ; je l’ai suivi. Notre voyage touche à son terme ; demain, nous arrivons au camp, et voilà que ce soir vous me donnez à entendre, par des phrases sans fin, que ce voyage pourrait amener d’étranges découvertes, vous avez même prononcé le mot de trahison… Aussi, je vous le répète, monsieur le cardinal, je vois les évolutions du vol du faucon, mais non la proie qu’il menace… En d’autres termes, s’il y a trahison, quelle est-elle ? s’il est un traître, quel est-il ? Pas d’ambages ! parlez net… j’ai assez vécu pour m’attendre à tout…

— Madame, puisqu’il faut parler net… le traître est M. de Tavannes…

— Tavannes ?

— Cela étonne Votre Majesté ?

— Monsieur le cardinal, aucune trahison ne saurait m’étonner ; mais je cherche toujours à me rendre compte des causes probables de la trahison… Poursuivez.