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— Ah ! chère comtesse, — reprit Berthe de Verceil, contenant à peine de nouveaux éclats de rire, — si vous saviez quel malin pasquil nous venons de lire ! À l’entendre, l’on croirait nous voir sortir de notre puits d’amour, non plus vêtues que la déesse Vérité ou madame Ève en son paradis.

— Paix donc, folles ! paix donc ! — reprit la gouvernante. Puis, s’adressant à Anna-Bell : — Venez, ma mie, la reine veut vous entretenir après sa conférence avec S. E. monseigneur le cardinal. Vous allez attendre dans le cabinet voisin, séparé de la chambre de S. M. par un petit couloir ; lorsqu’elle vous mandera, en frappant comme de coutume trois fois sur un timbre, vous entrerez chez elle.

Anna-Bell sortit avec la gouvernante, et les éclats de rire des filles d’honneur, excités par les derniers vers satiriques, retentirent de nouveau.


Catherine de Médicis et le cardinal Charles de Lorraine poursuivaient leur entretien commencé après souper. Le prélat, souple, rusé, attentif au moindre mouvement des traits de l’Italienne et tâchant de distinguer le vrai ou le faux de ses paroles, car elle mentait comme les autres respirent, le prélat se montrait, tantôt profondément respectueux, tantôt hasardait une expression familière autorisée par le souvenir de ses relations adultères avec la reine ; celle-ci, contenue, pénétrante, moins occupée de ce que disait le Guisard que de ce qu’il taisait, le haïssant et le craignant à la fois, tâchait, de son côté, de surprendre le secret de sa pensée ; car ces deux complices de tant de crimes luttaient incessamment de dissimulation et de perfidie.

— Tenez, monsieur le cardinal, — dit ironiquement Catherine de Médicis, — vous me rappelez en ce moment-ci… et vous excuserez la comparaison suivante… car je suis grande chasseresse, vous le savez…

— Je sais que votre Majesté réunit toutes les déités, — reprit le