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berthe de verceil, indiquant aux autres filles d’honneur leur compagne, toujours assise près de la fenêtre et rêvant le front appuyé sur sa main. — Voyez donc Anna-Bell, quelle noire mélancolie !

diane de sauveterre. — Peste soit de la mélancolique ! Aimez donc des princes allemands… pour devenir si piteuse !

berthe de verceil. — Quel peut-il être ? Nous ne savons rien du secret de cette langoureuse, sinon ces mots, qui lui échappent souvent durant son sommeil : « — Prince… oh ! Allemagne !... Allemagne !… »

clorinde de vaucernay. — Anna-Bell serait donc Allemande ?

berthe de verceil. — Interroge à ce sujet notre bonne dame Catherine ; seule elle sait sans doute le mystère de la naissance d’Anna-Bell.

clorinde de vaucernay. — Son prince allemand lui fait un peu, ce me semble, oublier ce pauvre Solange ?

diane de sauveterre. — Voyez la grâce d’en haut… ou d’ailleurs… Les plus fameux prédicateurs, Feu‑Ardent, fra‑Hervé-le-Cordelier, n’avaient pu obtenir la conversion du marquis de Solange, forcené huguenot, et Anna-Bell l’a converti !…

clorinde de vaucernay. — Est-ce bien à la messe qu’il s’est converti ? (Les filles d’honneur rient aux éclats.) Revenons aux pasquils.


berthe de verceil. — Celui-ci est curieux par la forme… et la chute en est bouffonne… Jugez-en… (Elle lit.)

« Le pauvre peuple endure tout ;
» Les Gendarmes ravagent tout ;
» La sainte Église soudoie tout ;
» Les favoris demandent tout ;
» Le cardinal accorde tout ;
» Le Parlement vérifie tout ;
» Le chancelier scelle tout ;
» La reine-mère conduit tout ;
» Le saint-père pardonne tout ;
» Et le diable seul rit de tout ;
» Car le diable emportera tout[1]. »


  1. Registre-Journal de l’Étoile, supplément, p. 198.