Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les restes de notre vénérable souveraine soient empoisonnés…

diane de sauveterre. — Il faudra lire ce pasquil à la reine ; elle en rira fort.

berthe de verceil. — De vrai, rien ne l’amuse davantage. Vous souvenez-vous qu’ayant lu dernièrement le Discours merveilleux dû à la plume satirique du fils du fameux imprimeur Robert Estienne[1], la bonne dame s’est mise à rire à gorge déployée, nous disant : « — Il y a du vrai là-dedans ! Mais ils ne savent pas tout… que serait-ce donc s’ils étaient mieux instruits ? » — Maintenant, écoutez. Après la reine, M. le cardinal, cela va de soi… On le suppose… on le désire mort… rien de plus naturel… voici son épitaphe. (Elle lit.)

« Le cardinal, lequel durant sa vie
» Troubla le ciel et la mer et la terre,
» Sert maintenant aux enfers de furie
» Et aux damnés comme à nous fait la guerre.
» Pourquoi vient-on jeter sur son tombeau
» Tant d’eau bénite et plus que de coutume ?
» C’est que gît là de guerre le flambeau,
» Et que l’on craint qu’encore il se rallume[2]. »

diane de sauveterre. — Pauvre M. le cardinal ! quelle vilaine calomnie ! Lui, si poltron, pour un Guisard… le comparer à un foudre de guerre !…

berthe de verceil. — Non pas foudre ! mais flambeau. Il se contente de tenir le flambeau de guerre, comme madame de Gondi, gouvernante des princes et princesses royales, tenait le flambeau de Vénus pour éclairer les amours du feu roi Henri II, dont elle était la digne entremetteuse.

clorinde de vaucernay. — Moi, j’approuve fort la reine d’avoir donné à ses enfants pour gouvernante… l’entremetteuse de son mari ; c’est une manière de charge héréditaire que l’on ne saurait confier en de trop dignes mains et perpétuer dans les familles.

  1. Discours merveilleux sur Catherine de Médicis, par Henri Estienne, Genève, 1565. — Le mot de la reine est historique.
  2. Registre-Journal de l’Étoile, p. 50.