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poitrail et sur la croupe, de légères lames d’acier flexible richement ciselées et dorées ; sa housse et sa selle, de velours orange, étaient ornées de passements vert et argent, couleurs héraldiques de la maison de Plouernel ; la saie ou casaque flottante que le comte portait par-dessus son armure était aussi de velours orange rehaussé de passements vert et argent. Il descendit de cheval, fit sous ses yeux soigneusement fouiller le monastère, établit des postes et des factionnaires aux avenues et entrées principales de l’habitation ; puis il reprit la direction de Limoges, seulement suivi de l’un de ses escadrons. Aussitôt après le départ du comte, les fourriers des logis de la reine Catherine de Médicis, aidés de ses serviteurs et de ceux de Charles de Guise, cardinal de Lorraine, s’empressèrent de tirer le meilleur parti possible des appartements dévastés de l’abbaye pour y préparer le logement de la reine et du prélat. Les mulets, au nombre de plus de soixante, transportaient, soit sur leurs bâts, soit dans de grands coffres doubles, un splendide ameublement de voyage : tentures, pliants, tapis, escabeaux, lits démontés, rideaux, matelas, vaisselle d’argent, et de plus des provisions de bouche, des vins, des ustensiles de cuisine, et même de la glace renfermée dans des sacs de cuir. Les valets de chambre se mirent à l’œuvre et, avec une promptitude merveilleuse, tapissèrent l’appartement destiné à la reine et au cardinal, en accrochant aux murs, au moyen de clous, de riches tentures garnies à l’avance d’anneaux dorés ; puis ils meublèrent ces pièces des objets apportés à dos de mulet. Une chambre séparée de celle de la reine par un couloir fut aussi disposée pour recevoir quatre de ses filles d’honneur et leur gouvernante. Les pages, les gentilshommes, les chambellans, les officiers, les écuyers, devaient camper comme à la guerre dans les dépendances de l’abbaye, dont l’immense cuisine fut envahie par le maître-queux et ses aides ; ils préparèrent activement le souper, tandis que les maîtres d’hôtel disposaient la table royale dans le réfectoire du monastère. Peu de temps avant le coucher du soleil, des éclaireurs accoururent à toute bride annoncer l’arrivée