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naise, rude, hautaine et guerrière. Aussi, recevant, le 14 juin, la lettre de Catherine de Médicis qui lui annonçait la mort de Charles IX, le duc d’Anjou ne songea plus qu’à fuir de Cracovie, afin d’aller trôner au Louvre. Il parvint en effet, ainsi que ses mignons, à s’évader nuitamment, du 16 au 17 juin, à l’insu des grands de Pologne, en larronnant les pierreries de la couronne des Jagellons qu’il venait de ceindre, et évaluées cinq cent mille écus. Les seigneurs polonais, s’apercevant trop tard de la fuite du prince et de son larcin, montèrent à cheval et poursuivirent le royal voleur, beaucoup plus jaloux de rattraper leurs joyaux que leur ignoble souverain ; mais, grâce à ses mesures prises d’avance et à sa diligence, ils ne purent l’atteindre. Arrivé en France, il y fut tôt et vite sacré par l’Église, et intronisé sous le nom de Henri III. Fidèle à la tradition de sa famille, il pensa tout d’abord à révoquer l’édit de pacification de La Rochelle et à exterminer les protestants. Il invoqua le secours du ciel pour mener à bien cette pieuse entreprise, et, dans l’espoir de se rendre agréable au Seigneur, il s’affilia, lui et ses mignons, à une confrérie de pénitents flagellants ; il parcourait ainsi les rues en chantant des litanies et se donnant la discipline, le corps à moitié nu : le canon des protestants de Nîmes et du Languedoc, combattant pour la fédération républicaine des églises réformées, répondit aux litanies d’Henri III, et lorsqu’il passa, ainsi que Catherine de Médicis, près de Livron, petite ville huguenote sur les bords du Rhône, les habitants envoyèrent, du haut de leurs murailles, une volée de boulets à la royale chevauchée, en lui criant : « — Hou ! massacreurs ! vous ne nous poignarderez pas dedans nos lits, comme vous avez fait de monsieur l’amiral ! Amenez-nous donc un peu vos mignons godronnés et parfumés ! Qu’ils viennent voir nos femmes, ils verront si c’est proie facile à emporter[1]. »

Lors de son sacre à Reims, le nouvel oint du Seigneur avait pro-

  1. Registre-Journal de l’Étoile, p. 66.