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Le 20 octobre de l’année 1573, nous nous sommes établis, Cornélie, mon oncle Joséphin et moi, dans notre métairie de Karnak ; et d’armurier, je suis devenu métayer.

Cejourd’hui, 17 janvier de l’an 1574, moi, Antonicq Lebrenn, j’achève d’écrire cette légende ; elle fait suite à celle que nous a léguée mon grand-père Christian l’imprimeur, l’ami de Robert Estienne. Je la joindrai aux annales et aux reliques de notre famille, ainsi que la Bible de poche imprimée par mon aïeul, et que sa fille Hêna, baptisée en religion : sœur Sainte-Françoise-au-Tombeau, tenait encore entre ses mains avant d’être plongée vivante vingt-cinq fois dans les flammes, le 21 janvier 1535, sous les yeux du roi François Ier, à la plus grande gloire de l’Église catholique, apostolique et romaine !


Je continuerai, selon la coutume de nos devanciers, de joindre aux annales de notre famille le récit des événements publics importants qui se passeront de nos jours.


L’édit de pacification de La Rochelle parut insuffisant aux huguenots des autres provinces, plus que jamais partisans de la fédération républicaine des Églises réformées. Ils aspiraient au sort de ces provinces des Pays-Bas espagnols qui, secouant enfin le joug affreux de Philippe II et de l’Église de Rome, maintenaient et défendaient héroïquement leur république protestante. De nombreuses assemblées eurent lieu en Dauphiné, en Languedoc, en Guyenne. L’on y décréta la saisie des biens ecclésiastiques. Le parti des politiques, grossissant chaque jour et partageant les aspirations d’indépendance des réformés, se joignait à eux pour combattre l’autorité royale ; les jeunes princes de Condé et Henri de Béarn, rougissant enfin de leur apostasie et de leur inaction, tentèrent de fuir la cour de Char-