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pite sur elle. À ce moment, Antonicq la rejoint, la dégage de l’étreinte du cordelier, le saisit par les épaules, le fait pirouetter sur lui-même en le repoussant violemment ; Cornélie a eu le temps de pousser le lourd verrou de fer de la porte que les gens du duc d’Anjou devront enfoncer pour pénétrer dans le réduit de fra‑Hervé. Celui-ci s’écrie alors d’une voix assez retentissante pour être entendue de la salle des gardes : — Trahison !… aux armes !… à l’aide !… Les huguenots ! les huguenots !

Soudain la voix du cordelier expire sur ses lèvres, une main vigoureuse le prend à la gorge, une lame brille… et par deux fois elle est plongée dans le sein du fratricide. Il tombe renversé, baigné dans son sang, se raidit, écume ; exhale son dernier soupir… et une voix sourde dit : — Vingt-cinq ! J’ai mon compte… Je peux mourir… ma sœur et sa fille sont vengées !…

Cette voix est celle du franc-taupin, sorti du souterrain après Antonicq et précédant le capitaine Mirant, qui est allé se jeter dans les bras de sa fille, tandis que Joséphin poignardait le fratricide.

— Fuyons !… — dit Cornélie à son père et à son fiancé, après avoir répondu à l’effusion de leur tendresse. — Les cris du moine sont parvenus jusqu’à la salle des gardes ; elle est au bout de ce corridor… On accourt… entendez-vous ces pas ? ce bruit de voix ?…

— Nous n’avons rien à craindre ; ta présence d’esprit, chère fille, a assuré notre retraite… L’on ne pourra pénétrer facilement ici ; la porte est épaisse et le verrou solide, — dit le franc-taupin, examinant et assurant cette fermeture avec un sang-froid imperturbable. — Cornélie, Antonicq et vous, capitaine Mirant, descendez vite dans l’aqueduc, prenez les devants et restez en deçà du fourneau de mine que j’ai ménagé dans le souterrain, et auprès duquel fourneau maître Barbot et les matelots attendent un appel pour venir nous rejoindre ici. — S’adressant alors à Serpentin, l’apprenti, qui avait suivi le capitaine Mirant : — Viens çà, drôlet… apporte-moi la machinette à escarbouillade…