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— Le salut de ton âme !

— Mon âme appartient à Dieu… J’ai vécu, je mourrai dans ma foi et dans l’horreur de l’Église qui glorifie la Saint-Barthélemy !

— Oui, — dit le cordelier en hochant la tête, — voilà bien l’impiété forcenée de cette exécrable et pestilentielle famille Lebrenn, qui fut la mienne, et à laquelle cette créature devait s’unir par un lien plus étroit que celui qui l’y attachait déjà…

— Quoi ! — s’écrie involontairement Cornélie, — vous savez ?…

— Un prisonnier rochelois t’a vue ce matin amenée au camp ; il m’a appris tes fiançailles avec Antonicq, le fils de celui qui fut mon frère… et dont j’ai offert le sang impur en holocauste au Dieu vengeur !

La jeune fille frissonne de nouveau en entendant ce prêtre exalter ainsi son fratricide ; puis elle songe à son fiancé, qu’elle ne reverra plus, une larme de désespoir roule dans ses yeux. Elle domine cependant son émotion, et s’adressant à fra‑Hervé : — Moine, je n’invoquerai pas près de vous nos liens de famille… vous avez rougi vos mains du sang de votre frère… je n’invoquerai pas votre pitié… vous êtes impitoyable… mais je vous dirai ceci, dans l’espoir d’être exaucée : L’on n’a pas, depuis quelque temps, ce me semble, brûlé solennellement d’hérétiques ? brûlez-moi ! je suis hérétique, hérétique endurcie ! j’abhorre le pape de Rome, et son Église, et ses prêtres ! je les abhorre à l’égal de cette infâme famille des Valois, leur complice !… Ma mort réjouira celui que vous appelez votre Dieu vengeur ! ma mort stimulera le fanatisme de votre troupeau, plus féroce encore qu’il n’est hébété ! Moine, moine ! je vous le dis, suivez mon conseil, il est salutaire… envoyez-moi au supplice !… Que ce supplice soit affreux… tenez… affreux comme celui de votre sœur Hêna, angélique créature !… Vous l’aviez poursuivie de votre incestueux amour… vous l’avez vu plonger vivante vingt-cinq fois dans les flammes… et vous chantiez gloire au Seigneur !… Allons, moine ! faites dresser la bascule, élever le bûcher ! Enfin, songez encore à