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— La clémence du fils de Catherine de Médicis m’épouvantait… la pitié de ce moine m’épouvante encore plus !

— Vive Dieu ! mon révérend, vous disiez vrai ! je n’étais qu’un enfant ! Hélas ! que voulez-vous ? je n’ai que dix-huit ans !… — s’écrie soudain le duc d’Anjou, rayonnant d’une joie infernale après avoir écouté les paroles du moine prononcées à voix basse. Puis se tournant vers ses familiers : — Que cette hérétique soit conduite chez le révérend. Mais surtout, mon bon père, veillez sur elle… sa vie, maintenant, vous est aussi précieuse qu’à moi.

— Je réponds d’elle, — dit fra‑Hervé, sortant de l’oratoire. Et l’on entraîne Cornélie sur les pas du moine fratricide.


Fra‑Hervé demeurait dans la maison du Réservoir de la Font, occupée par le duc d’Anjou. Le nombre des seigneurs de la suite du prince était tel, et telle aussi l’exiguïté des logements, que le moine, fort insoucieux d’ailleurs des commodités de la vie, et qui, en sa qualité de confesseur royal, pouvait prétendre à un meilleur gîte, se contentait d’une sorte de réduit voûté, sombre, humide comme une cave, et servant autrefois de communication directe avec l’aqueduc, lorsqu’il fallait pratiquer quelques réparations à ce conduit souterrain, où l’on descendait par un degré de pierre recouvert d’une trappe. L’on arrivait au logis du moine par un couloir aboutissant à l’une des pièces du rez-de-chaussée, transformée depuis le siège de La Rochelle en salle des gardes réservée aux officiers du prince ; cette salle avoisinant son oratoire et sa chambre à coucher, ce bon catholique avait ainsi toujours à proximité de lui son confesseur, qui pouvait, en traversant le couloir, se rendre en un instant auprès de son pénitent.

L’intérieur du réduit de fra‑Hervé révèle l’austérité de ses habitudes cénobitiques. Une caisse de bois remplie de cendres, semblable à un cercueil, lui sert de lit ; un escabeau est placé en face d’une