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Avoue-le, pudique et fière républicaine, la mort te semblerait douce auprès du sort qui t’attend ?… Et faisant un signe à ses courtisans : — Qu’on emmène cette vierge immaculée… mais surtout, veillez sur sa vie…

— Oh ! par pitié, la mort ! la mort la plus horrible !… — balbutie Cornélie, sortant de la stupeur où la plongeait l’épouvante, et tombant agenouillée aux pieds du duc d’Anjou, elle lève vers lui ses mains suppliantes et s’écrie avec un accent déchirant : — Le martyre… par grâce, le martyre !…

— Au revoir ! lys sans tache ! — dit le fils de Catherine de Médicis et s’adressant à ses favoris : — Que l’on conduise tôt et vite cette belle hérétique au quartier des goujats, et tout à l’heure, mes mignons, nous irons assister à la liesse de ces bonnes gens.

Déjà l’on entraîne Cornélie, de qui les mains ont été liées de son écharpe, lorsque soudain apparaît dans l’oratoire fra‑Hervé. Les courtisans s’écartent et s’inclinent avec déférence devant le confesseur du duc d’Anjou.

— Mon fils, — dit le cordelier, marchant droit au prince et accentuant si fermement ses paroles, qu’elles ne semblaient pas admettre de réplique, — mon fils, révoquez l’ordre que vous venez de donner… cette hérétique ne doit pas être livrée aux soldats…

— Mon père, — reprend vivement le duc d’Anjou ; — ignorez-vous que cette fille a voulu m’assassiner ?

— Je sais tout…

— Sang-Dieu ! mon révérend, puisque vous savez tout… je vous déclare, nonobstant mon respect pour vous, que je tiens à ma vengeance : l’on ne saurait en trouver une préférable… eu égard au caractère de cette créature… Mes ordres seront exécutés… je le veux…

— Mon fils, vous êtes un enfant… — répond fra‑Hervé d’un ton de supériorité dédaigneuse ; se penchant alors à l’oreille du prince, il lui parle bas, tandis que Cornélie, reconnaissant fra‑Hervé le fratricide, frémit de tout son corps et se dit :