Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 11.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’écrie : — Ne la tue pas, mignon !… Oh ! non, non, il ne faut pas qu’elle meure encore !…

Le favori remet son épée au fourreau ; le duc d’Anjou, pâle de rage et de haine, va s’asseoir sur son lit de repos, essuie d’un mouchoir brodé son front suant encore l’épouvante, jette un regard implacable sur la jeune fille, fière, immobile, les bras croisés sur son sein, et après un moment de silence : — Donc, ma belle ? — lui dit-il, — tu voulais m’assassiner ?

— Oui.

— Pourquoi ?

— Écoute, digne fils de Catherine de Médicis… écoute, digne frère de Charles IX… Avant d’avoir trempé, comme eux, tes mains dans le sang de la Saint-Barthélemy, tu as lâchement soudoyé un assassin pour empoisonner le grand Coligny ; le meurtre appelle le meurtre… voilà pourquoi j’ai voulu te tuer, ayant du moins le courage de te frapper en face… Je t’ai manqué… un autre fera mieux que moi… Va ! mon exemple ne sera pas perdu ! l’heure fatale des races royales a sonné !…

Le duc d’Anjou reste imperturbable ; puis, avec un sourire cruel :

— Tu es une fille de résolution. Quel est ton nom ?

— Cornélie Mirant.

— Quoi ! cet enragé marin qui, l’autre nuit, a quasi démantelé notre redoute de Chef de Baie et a ravitaillé La Rochelle ! cet enragé marin est ton père ?

— C’est mon père… Je saurai mourir comme doit mourir la fille d’un tel homme.

Fra Hervé le cordelier, soulevant la portière, allait pénétrer dans l’oratoire au moment où la jeune fille a déclaré se nommer Cornélie Mirant ; à ce nom, le moine tressaille, une horrible joie contracte ses traits. Il reste au seuil de la chambre, à demi caché par la tapisserie ; et, inaperçu des courtisans du duc d’Anjou, il continue d’écouter l’entretien de la huguenote et du prince. Celui-ci, frappé de la fer-