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reprises par les catholiques dans diverses provinces, et les succès de la guerre se balancent entre les deux partis. Le 19 décembre 1562, les armées catholique et protestante se rencontrent près de Dreux ; les catholiques commandés par François, duc de Guise, et le maréchal de Saint-André, les protestants par Coligny et le prince de Condé. Après un long et meurtrier combat, dans lequel les généraux en chef des deux armées furent faits prisonniers, le champ de bataille reste à l’armée royale, dont les pertes égalaient d’ailleurs celles de ses adversaires. Coligny, déployant de jour en jour les rares qualités d’un grand capitaine, opère sa retraite en bon ordre et va rejoindre à Orléans son frère Dandelot, chargé de la défense de la ville ; François, duc de Guise, concentre toutes ses forces contre cette place et vient l’assiéger. Ce fut là qu’après avoir dévotement communié avec le maréchal de Saint-André et le connétable de Montmorency, ces trois hommes, qu’on appelait les triumvirs, jurèrent sur les saints Évangiles un pacte effroyable ; vous le connaîtrez plus tard, fils de Joel, vous frémirez de ses conséquences, elles ont enfanté un forfait inouï jusqu’ici dans l’histoire des peuples. Ce pacte juré, le duc François de Guise pousse activement le siège d’Orléans ; mais le 18 février 1563, en parcourant son camp, il est mortellement blessé d’un coup de pistolet tiré à bout portant par un jeune gentilhomme angevin nommé Poltrot de Méré, qui, pour accomplir ce meurtre, avait feint d’abandonner le parti protestant et de s’enrôler dans l’armée catholique ; il voulait, par cet assassinat, venger la boucherie de Vassy, dont François de Guise avait été le boucher, vengeance encore moins lâche, encore moins atroce, peut-être, que le crime qui la provoquait. Le duc de Guise survécut quelques jours à sa blessure, et mourut le 24 février. Cet homme impitoyable, d’une ambition effrénée, d’un orgueil dépassant toute créance, grand seigneur, prodigue, magnifique, habile homme de guerre, chef de parti actif, résolu, ne reculant devant aucune extrémité, était le plus redoutable instrument de l’Église de Rome et le plus puissant auxiliaire de Philippe II à la cour de France ;