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Champagne, en Picardie, en Bretagne et dans l’Île-de-France, les protestants, en minorité, sont bannis ou massacrés par les catholiques dès qu’ils apprennent l’insurrection des autres provinces. Sens, dont le cardinal de Guise est archevêque, devient le théâtre d’un abominable carnage ; une centaine de protestants, hommes, femmes, enfants, sont égorgés, torturés, puis jetés dans l’Yonne. Leurs coreligionnaires avaient jusqu’alors, dans les provinces et les villes où ils se trouvaient en force, témoigné d’une modération exemplaire ; mais ils répondent à cette nouvelle tuerie de Sens par de terribles représailles. Le maréchal de Montluc, tigre à face humaine et gouverneur en Guyenne, pousse la férocité jusqu’au délire, jusqu’au vertige ; le baron des Adrets, chef des protestants, dont il trahit plus tard la cause, tâche d’égaler, sans jamais l’atteindre, la furie sanguinaire de Montluc. La guerre devient un carnage sans pitié, sans merci ; les huguenots, exaspérés, ravagent, détruisent, incendient les couvents, les églises, renversent, brisent, profanent les statues des saints, se vengent d’une oppression séculaire en jetant au vent les cendres des princes et des rois, si souvent complices des papes de Rome. À Angoulême, les tombeaux des Valois, ancêtres de la famille régnante, sont ouverts, et leurs os sont traînés dans la boue ; à Cléry, les restes de Louis XI, ce roi moitié renard moitié loup, sont brûlés dans un feu de joie ; à Orléans, on jette dans un bûcher le cœur de François II ; à Rouen, justice tardive ! on saccage les tombeaux du vieux Rolf, duc de Northmandie, ce bandit qui, pendant tant d’années, à la tête des pirates northmans, mit la Gaule a feu, à sac et à sang, depuis l’embouchure de la Seine jusqu’à Paris, épousa la fille de Karl-le-Sot et s’empara de la province qui devint la Northmandie ; à Paris, le Parlement redouble de violence contre les protestants, plus de soixante d’entre eux sont égorgés par le peuple. Les moines fanatisent et poussent en masse les paysans de l’Île-de-France au carnage de tous ceux qu’on leur signale comme hérétiques ; leurs maisons sont pillées, incendiées. Plusieurs villes prises par les huguenots sont