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tée par l’ennemi vers la porte de Congues. Ce renfort change la face du combat ; les assaillants, une troisième fois refoulés hors de la brèche, après une dernière attaque héroïque, sont précipités dans les fossés ou ramenés battant sur le talus ; ils le redescendent en masse confuse, effarée. L’arquebuserie, suspendue pendant la lutte corps à corps, de nouveau décime les fuyards, et de nouveau l’artillerie les foudroie ; leur déroute, cette fois, est complète. Ils laissent sur le champ de bataille plus de la moitié de leurs compagnies ; les royalistes échappés au carnage regagnent à toutes jambes et à la débandade leur ligne fortifiée, retraite meurtrière encore hâtée par les boulets des canonniers huguenots criblant les déroutés, forcés de parcourir à découvert l’espace qui séparait leurs retranchements des murailles de La Rochelle.

Victoire aux Rochelois ! fils de Joel, victoire ! Ah ! victorieux ils devaient être ! Ils vengeaient la Saint-Barthélemy ! ils défendaient leurs biens, leur foyer, leur foi, leur liberté, leur république !


La victoire des Rochelois fut sanglante et chèrement achetée ; ils comptèrent environ onze cents personnes mortes ou hors de combat, hommes ou femmes. Cornélie Mirant reçut une blessure à la naissance de l’épaule ; la Bombarde périt sur la brèche ; Marcienne, veuve d’Odelin, fut atteinte d’une balle et tuée non loin du rempart, en secourant un blessé ; Antonicq eut le bras percé de part en part d’un coup de pertuisane ; le colonel de Plouernel, atteint de deux arquebusades, fut emporté dans sa demeure presque mourant ; Louis Rennepont, Thérèse, sa femme, maître Barbot, le franc-taupin et Serpentin, son aide-mineur, sortirent sains et saufs de cet engagement acharné. Les Rocheloises relevèrent les morts et les blessés ; la famille Lebrenn transporta dans sa maison le corps de la veuve d’Odelin. Navrantes funérailles ! Mais, hélas ! en ces terribles temps, les exigences du salut public l’emportent sur les plus saintes douleurs ;