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quilles, et brise ainsi une foule de membres. Les tireurs les plus expérimentés se placèrent, par ordre du colonel de Plouernel, dans des casemates souterraines formant, au-delà du chemin de ronde, une seconde ligne de défense, dont les meurtrières, à peu près semblables à des soupiraux de cave, permettaient de diriger un feu meurtrier sur l’ennemi. Enfin, des compagnies d’arquebusiers se massèrent sur la brèche, défendue par un rang de fascines et de gabions que les Rocheloises achevaient de rétablir. Il y eut parmi les assiégés quelques instants d’un silence solennel, pendant le temps que les troupes royalistes mirent à parcourir l’espace qui les séparait du revers du fossé des fortifications ; chacun sentait que de cet assaut allait dépendre le sort de La Rochelle.

Le vieux maréchal de Montluc commandait en chef. M. de Goas, à la tête de six bataillons de vieilles troupes suisses, était en tête de la colonne ; M. de Montluc au centre, et à l’arrière-garde, le colonel Strozzi, l’un des meilleurs officiers de l’armée catholique. Il devait soutenir et renforcer l’attaque dans le cas où les premières compagnies engagées faibliraient ou seraient repoussées. Ces troupes s’avançaient en bel ordre, tambours battants, clairons sonnants, enseignes déployées, ayant pour chefs la fleur de la seigneurie : les ducs de Guise et d’Aumale, le bâtard d’Angoulême (ceux-là qui crossèrent du pied le cadavre de Coligny), Henri le Béarnais, beau-frère de Charles IX, et Henri de Condé ; ces deux jeunes renégats venaient ainsi combattre les défenseurs de la Cause à qui leurs pères avaient voué leur glorieuse vie ; enfin, Mayenne, Biron, Cosseins, d’O, Château-Vieux, et tant d’autres nobles capitaines, se pressaient autour du duc d’Anjou (frère du roi ), marchant au centre, à côté du maréchal de Montluc. Au moment où les premiers rangs de l’avant-garde atteignent le revers du fossé, l’échevin Gargouillaud, voyant l’ennemi à demi-portée de ses canonniers, leur commande un feu plongeant et à ricochets ; l’effet de ce tir fut terrible : il emporta des files entières de soldats. L’avant-garde, ainsi foudroyée, hésite, s’arrête ; les