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calade du talus, et alors… nous les servirons tôt, vite et bouillant !

Pendant que les Rocheloises préparaient ainsi la manœuvre de l’Encensoir, d’autres d’entre elles roulaient à grands renforts de bras d’énormes fragments de pierre de taille, débris du revêtement démoli par les boulets de l’ennemi, et les équilibraient en suspens, et de telle sorte, près de l’ouverture de la brèche, que le bras d’un enfant pouvait les précipiter sur les assiégeants ; d’autres roulaient dans le même but des tonneaux remplis de sable, qui, après avoir protégé les arquebusades des défenseurs au parapet, devaient être aussi lancés sur la pente rapide que l’ennemi avait à gravir ; enfin grand nombre de femmes, sous la direction de Marcienne, veuve d’Odelin Lebrenn, préparaient des brancards destinés aux blessés, que l’on transporterait aussi loin que possible du théâtre du combat. Thérèse et Cornélie n’étant pas en ce moment occupées à la manœuvre de l’Encensoir, se rapprochèrent de la veuve, et bientôt furent rejointes par Antonicq et Louis Rennepont ; tous deux quittaient aussi pour un instant leur poste de combat. — Ma mère, — dit Antonicq d’une voix grave et tendre, — ce matin, lorsqu’à l’aube je suis sorti de la maison, vous dormiez… je n’ai pu vous dire adieu… Embrassez-moi.

Marcienne comprit la pensée de son fils : un assaut meurtrier allait s’engager ; ils ne se reverraient peut-être jamais. Elle tendit les bras à Antonicq, le pressa sur son sein : — Sois béni, — lui dit-elle d’un ton ferme et pénétré, — toi qui ne m’as jamais causé un chagrin ! Si, comme ton père, tu meurs en combattant les catholiques, tu auras été homme de bien jusqu’à la fin… Si je succombe en ce jour, tu emporteras mes dernières bénédictions… Et toi aussi, Cornélie, — ajouta Marcienne, — sois bénie, mon enfant ; je mourrai paisible en sachant qu’Antonicq a trouvé en toi un cœur digne du sien par la vertu, par le courage… tu as été la meilleure des filles… tu seras la meilleure des épouses…

La veuve d’Odelin s’exprimait ainsi, lorsque Louis Rennepont,