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et se dirigea vers le bastion de l’Évangile. Là se trouvaient réunis environ la moitié des défenseurs de La Rochelle, se préparant à un combat acharné. Les autres troupes, réparties ailleurs, pouvaient faire face à d’autres attaques. Le conseil de défense, prévoyant que l’ennemi, en lançant une colonne de troupes à l’assaut, tenterait sans doute une diversion simultanée, des femmes réparaient provisoirement, au moyen de fascines et de tonneaux remplis de sable, la trouée faite dans le parapet du rempart. Le colonel de Plouernel, chargé ce jour-là de la défense du bastion, et le capitaine Gargouillaud, commandant l’artillerie, donnaient leurs derniers ordres. Les canonniers bourgeois pointaient d’avance leurs pièces sur le parcours, complètement découvert, que devaient traverser les royalistes en sortant de leurs retranchements, afin de gagner le revers du fossé du rempart et de monter à la brèche ; elle était largement praticable ; cependant, avant d’atteindre le parapet, les assiégeants avaient à gravir un amoncellement de décombres, formant un talus très-rapide de douze à quinze pieds d’élévation. Au-dessus de ce talus se dressait un engin de défense redoutable, dont la manœuvre était confiée aux femmes de La Rochelle. Cette machine de guerre, inventée par maître Barbot-le-Chaudronier, se nommait l’Encensoir ; elle se composait d’une immense cuve de cuivre, de la capacité d’une tonne, et suspendue par des chaînes de fer à l’extrémité d’un long madrier tournant sur son axe et placé en potence au faîte d’une poutre solidement scellée en terre, de sorte qu’au moyen d’un mouvement de bascule imprimé au madrier, l’immense chaudière pouvait déverser sur la tête des assaillants son contenu, à savoir : une mixture de goudron, de souffre et d’huile ; le tout bouillant jusqu’à l’incandescence. Des Rocheloises, parmi lesquelles se trouvaient Thérèse Rennepont et Cornélie, fiancée d’Antonicq, s’occupaient, soit d’aviver le brasier flambant sous la cuve, soit d’y verser l’huile, le goudron ou le souffre renfermés dans des barillets placés près de là. Cornélie, ses manches retroussées jusqu’au coude et découvrant ses